Histoire de la Noirie près d'Unieux

Sur cette page, j'utilise les éléments que j'ai pu trouver dans mes recherches pour établir un histoire du hameau de la Noirie commune d'Unieux.
  1. La Noirie au Moyen-Âge
  2. La Noirie de 1500 à 1800
  3. La Noirie de 1800 à 1850: port sur la Loire
  4. La Noirie de 1850 à aujourd'hui: chemin de fer et barrage sur la Loire
  5. Références

1. La Noirie au Moyen-Âge
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D'origine probablement plus ancienne, le hameau de la Noirie se retrouve cité pour la première fois dès 1315 [AD42, CHMS142], dans l'hommage de Gillet d'Escotay rendu à Luce de Beaudiner, dame de Cornillon, pour ses possessions, incluant des biens à la Noirie (cliquer sur la date pour accéder à l'acte).

Cette retranscription est issue d'un ensemble de traductions faites au XIXème siècle par priori Jean Antoine de la Tour de Varan, d'une copie en latin du XVIème siècle d'actes plus anciens par Mre Jehan Picquet, juge de St Didier et d'Aurec. L'acte recopié est lui-même une retranscription de l'original effectué probablement peu-après l'original de 1315 (voir la fin de l'acte). Dans cet acte apparaît donc Noyarles qui est probablement une mauvaise recopie de Noyaries, Noyaria,ae en latin, que l'on retrouve écrit Noyarie dans un autre acte de 1354. Cela correspond très certainement à la Noirie, car dans l'acte de 1315, c'est au bord de la Loire, sur le territoire de Cornillon. Le lieu est probablement plus ancien, car il est dit dans cet hommage de 1315 que les prédécesseurs de Gillet d'Escotay détenaient tous leurs biens des prédécesseurs de Luce de Beaudiner. Le lieu de la Noirie (Noyaria en latin) a donc probablement existé et été dénommé tel quel au moins dès le XIIIème siècle. Or c'est vers cette période que les patronymes sont apparus en France, les Noirie / Noirie ont donc leur patronyme qui provient très probablement de ce lieu de la Noirie.

En 1354 [AD42, CHMS142], Jean de Montouroux, vassal de Guillaume Bastet seigneur de Cornillon, rend hommage à son suzerain pour ses possessions (cliquer sur la date pour accéder à l'acte), incluant des biens à la Noirie (Noyaria en latin), qui a le statut de villa (en latin: maison de campagne, avec des terres et des bâtiments d'exploitation, domaine, métairie).

En 1450 et 1451, deux actes [AD42, CHMS142] concernent les Noirie meuniers sur la seigneurie de Cornillon (cliquez sur les dates pour accèder aux actes). Le premier acte parle d'un écluse traversant la Loire pour le fonctionnement du moulin: il obtient la permission de reconstruire le dit moulin et de faire un écluse dans la largeur de la rivière de Loire, comme il avait coutume tant pour le service du dit moulin que pour la pêche des saumons et autres poissons. Si c'est bien le moulin de Billon, cela veut dire qu'une écluse était construite barrant la Loire de Billon à la Noirie. L'existence de cette écluse est confirmée par un texte écrit en 1835 cité plus loin dans ce récit de cette histoire de la Noirie, renforçant l'idée que le moulin de Billon est bien celui cité dans l'acte de 1450.

L'acte de 1450 nous apprend que Jean de la Noirie est paroissien de Firminy. La Noirie se situe donc sur la paroise de Firminy à cette époque.


2. La Noirie de 1500 à 1800
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Le terrier de Firminy de 1534-1535, dont on peut trouver une retranscription moderne [AD42, 7J2], énumère, parmi les lieux concernés par le terrier, celui de la Noyerie (la Noirie, probablement Noyaria en latin dans l'original). Pour ce lieu, seuls deux personnes détiennent des biens: Jacques de la Noyerie et Claude Massardier. Mais il y a d'autres de la Noyerie cités sur le hameau de la Noirie cités dans ce terrier au sujet de terres qu'ils ne tiennent pas en propre.

Aux XVIIème et XVIIIème siècles, on retrouve le hameau de la Noirie cité à la fois sur les registres paroissiaux de Firminy et de Saint-Victor-sur-Loire, car il se situe à la limite des deux paroisses, la partie principale étant sur la paroisse de Firminy. Mais nous ne trouvons plus de Noirie ou de la Noyerie sur ce hameau sur cette période.

Le hameau de la Noirie est suffisamment important pour être représenté au XVIIIème siècle sur la carte de Cassini.


3. La Noirie de 1800 à 1850: port sur la Loire
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Depuis la révolution Française, la Noirie se retrouve sur la commune d'Unieux suite au détachement de celle-ci de l'ancien territoire de Firminy en 1794.

Au XIXème siècle, il est dit que le fleuve Loire commence à être navigable à partir de la Noirie [Rav, pp. 195-196]. La navigation ne se faisait que dans le sens de la descente, de la Noirie vers Saint-Rambert, et n'était apparemment pas facile: La navigation fut même poussée en amont de Saint-Rambert : en 1817, de petits bateaux, construits à Retournac, commencèrent à descendre de La Noirie, près de Firminy ; mais la descente n'était possible que 5 ou 6 fois par an et de 8 à 10 jours chaque fois [Des].

Avant 1700, la Loire n'était navigable qu'à partir de Roanne (F42). Elle a été rendue navigable entre Saint-Rambert et Roanne par la Compagnie Lagardette en 1705, Pierre Lagardette ayant reçu l'autorisation d'exécuter les travaux en 1702 [Pey, p. 196]. L'objectif était d'acheminer le charbon extrait des mines autour de Saint-Étienne. En 1746, de nouveaux travaux étaient demandé à Lagardette: Le 21 mai 1746, un arrêt du conseil ordonna que la moitié des droits serait employés à l'établissement de nouveaux travaux d'amélioration, et à rendre la rivière flottable et navigable, si faire se pouvait, de Monistrol à Saint-Rambert, à la descente seulement [Pey, p. 197].

Cependant la Loire ne fut navigable à partir de la Noirie qu'à partir de 1817, voir [Pey, p. 199-201]. Ce long extrait est très intéressant pour comprendre les textes plus anciens de 1450 qui parle d'écluse traversant la Loire, voir ci-dessus. Cela pouvait paraître étonnant, car la Loire était large de près de 50 mètres vers la Noirie d'après les cartes du cadastre napoléonien (voir carte superposant les cadastres napoléoniens et une carte IGN actuelle), mais c'était donc bien le cas. De plus, on sait par l'acte de 1450 que cette écluse, qui a peut-être reposée sur des rochers naturellement en place, a nécessité la main de l'homme pour le fonctionnement correct du moulin puisqu'il est question de la reconstruire en 1450. Cela explique aussi pourquoi les bateaux pouvaient être récupérés à la Noirie pour être chargés en charbon, l'écluse faisant barrage en ralentissant le cours du fleuve, constituant une retenue d'eau qui formait le port de la Noirie.

Enfin, on apprend que les niveaux où étaient les moulins ne les mettaient pas à l'abri des inondations de la Loire. C'était précisément pendant les crues que les bateaux chargés de houille pouvaient partir du port de la Noirie, la durée de fonctionnement du port étant en cumulé d'environ un mois et demi par an. La crue la plus forte connue en 1835 avait eu lieu en 1790, il est dit que le niveau s'était élevé de 8 mètres au-dessus de l'étiage à la Noirie [Pey, p. 201, en note]. La Noirie était à l'abri, mais pas le moulin de Billon.

Le trafic de bateau chargé de houille partant de la Noirie, qui n'avait commencé qu'en 1817, avait déjà beaucoup diminué en 1833 d'après l'extrait cité ci-dessus, et il s'est sûrement arrêté peu d'années après. La cause est la construction d'une ligne de chemin de fer de St-Étienne (le Pont de l'Âne) à Andrézieux, précisément pour amener le charbon directement jusqu'à Andrézieux. C'est tout simplement la première ligne de chemin de fer en France, voir [Pey, p. 206] et [MCF, inventaire]. La concession de cette ligne fut demandée en 1821 et donnée en 1823. Opérée par la Compagnie du Chemin de fer de Saint-Étienne à la Loire, elle a été ouverte au trafic de marchandises (houille essentiellement) en 1827, puis au trafic de voyageurs en 1832. La traction se faisait dans ses débuts par des chevaux. Il court-circuita le trajet sur la Loire de la Noirie à Andrézieux, rendant le port de la Noirie inutile.


4. La Noirie de 1850 à aujourd'hui: chemin de fer et barrage sur la Loire
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Une autre voie ferrée fut construite à la fin du XIXème siècle, passant entre les berges de la Loire et le hameau de la Noirie. Cette ligne, qui rejoignait les gares de Saint-Just-sur-Loire et de Fraisses/Unieux (le Pertuiset) [MCF, inventaire], fut reconnue d'utilité publique en 1875. La convention de concession fut donnée à la compagnie de chemin de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée en 1883 (crée en 1857, elle fut nationalisée avec d'autres compagnies pour former la Société Nationale des Chemins de Fer en 1938). Les travaux ayant commencé en 1879 [CGR, p. 524], cette ligne fut ouverte au trafic de voyageurs et de marchandises en 1885, puis fermée aux voyageurs en 1939 et aux marchandises en 1941.

Longue de 16 km environ, elle permettait de relier les lignes suivantes [MCF, inventaire]:

Cette ligne de chemin de fer est encore visible sur la carte d'État-Major de 1954. Des tunnels et des viaducs furent nécessaires. Un de ces viaducs, voisin du hameau de la Noirie, porte le nom de viaduc de la Noirie avec les années de construction 1881-1882, voir la photo. Dans le document [CGR, p. 524] sont décrites les caractéristiques du viaduc de la Noirie (88 m de longueur) ainsi que de deux souterrains (tunnels) autour de la Noirie (55 m et 185 m de longueur).

De 1955 à 1957, le barrage de Grangent est construit en aval de la Noirie, engloutissant une partie des berges et le moulin de Billon situé sur l'autre rive de la Loire, comme le montre la superposition des cadastres napoléoniens de 1834 et d'une carte actuelle, ainsi qu'un tronçon important la voie ferrée en aval de la Noirie.

Aujourd'hui, le hameau de la Noirie existe toujours, mais une ou deux maisons seulement semblent habitées, et probablement qu'occasionnellement.


5. Références
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[AD42] Archives Départementales de la Loire, 6 rue Barrouin, 42000 Saint-Étienne, voir site des AD42.
[CGR] M. l'ingénieur en chef Delocre, Chemin de fer d'intérêt général, 1883, Conseil Général du Rhône, 2ème session ordinaire de 1883, pp. 503-525.
[Des] A. Desaunais et P. Simon, Roanne et la Haute Loire navigable, 1935, les études rhodaniennes, Vol. 11 no 1, 1935, pp. 39-52, voir site Persée.
[MCF] Rails et Drailles, Massif Central Ferroviaire, 2013, voir site Internet.
[Pey] Alphonse Peyret, Statistiques industrielles de la Loire, 1835.
[Rav] Théodore Ravinet, Dictionnaire hydrographique de la France, volume 1, 1824.